Bataille d'Orthez - 27 février 1814

 

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Témoignages sur la bataille d'Orthez

 

Récit du Capitaine Marcel du 69e de ligne

« Le 28 février au matin, l'on prit les armes de bonne heure et l'armée se rangea pour être passée en revue sur ses positions par le duc de Dalmatie. Au moment où il passait devant notre division, le maréchal Soult nous annonça que l'Empereur avait battu complètement les alliés à Montereau et que notre armée avait réoccupé Troyes : cette nouvelle fut accueillie par des cris de joie et, comme nous ne présumions pas que nous aurions ce jour-là une affaire des plus chaudes, nos divisions restèrent placées provisoirement comme elles l'étaient et les officiers du régiment se mirent à jouer la goutte du matin aux petits palets. Celui qui nous eût dit que, dans une heure, plus de quinze d'entre nous allaient cesser d'exister, n'eût pas été cru sûrement. Nous étions bien occupés à jouer et à rire lorsqu'une violente fusillade éclata soudain du côté des voltigeurs du 39e qui étaient à l'avancée et les colonnes ennemies débouchèrent de tous côtés(12). Il faut croire que le duc de Dalmatie en savait plus long que nous sur les mouvements des Anglais, car nos troupes furent placées en un instant de manière à leur faire face; il n'y eut pour ainsi dire point de prélude, toutes les colonnes commencèrent en même temps l'attaque. Notre artillerie faisait décharge sur décharge, sans interruption, et éclaircissait les masses anglaises et portugaises, mais celles-ci avançaient malgré leurs pertes et nous perdions beaucoup de monde par l'effet de leurs boulets creux. J'eus 20 hommes hors de combat en un instant, le commandant du 2e bataillon fut tué, le général Maucune dangereusement blessé; les officiers supérieurs et les autres furent atteints en si grand nombre que le chef de bataillon qui nous restait commandait la brigade et un capitaine le régiment; je commandais moi-même le 3e bataillon. Au bout de trois heures de combat, nous allâmes nous placer derrière le 36e, qui, par sa ténacité et son bon ordre, pouvait rivaliser avec les meilleurs régiments de l'armée. A 3 heures et demie du soir, rien n'était encore décidé, l'ennemi tantôt avançait, tantôt reculait. Des corps nombreux cherchaient à nous manoeuvrer et nous étions exposés à être chargés par eux à l'improviste : pour plus de sûreté, l'ordre venait d'être donné à notre aigle de se porter sur les derrières avec une section, lorsque le maréchal Soult, voyant ce mouvement, saisit l'aigle et alla la planter à 100 toises devant notre régiment, vis-à-vis d'une masse d'infanterie anglaise; alors, sans commandement, d'un mouvement général et spontané, tous les officiers et soldats coururent se ranger autour de leur drapeau avec des acclamations qui montaient jusqu'au ciel et des cris de « Vive le 69e ! ». La division ennemie, croyant qu'on la chargeait à la baïonnette, se rejeta en arrière.

Vers 4 heures, l'ordre arriva d'exécuter un mouvement rétrograde : je fus d'arrière-garde et plaçai mes voltigeurs en tirailleurs. Quelques instants après, les hussards anglais apparurent avec de l'artillerie légère, mais ils furent tellement chagrinés par nos balles qu'ils se retirèrent, laissant leurs canons tirer sur nous. Quelques soldats du 39e, croyant que nous allions être chargés, jetèrent leurs armes et leur équipement pour se sauver plus vite : mon indignation fut profonde et j'ordonnai à mes voltigeurs de tirer sur ces lâches. Avec mon lieutenant, nous ramassâmes plus de quinze fusils que nous déchargions sur les artilleurs ennemis qui nous répondaient à coups de canon. Enfin la nuit arriva : je rejoignis la division qui alla bivouaquer à deux lieues d'Aires. Deux divisions et tous les dragons étaient partis pour aller renforcer l'armée de l'Empereur et notre armée était réduite à six divisions (13). »

(12) : ... Il entrait dans le système du maréchal Soult de s'opposer pied à pied à l'invasion de l'ennemi, sans être décidé à donner ou à recevoir la bataille; il espérait que la présence de ses troupes réunies en imposerait aux Anglais. Il ordonna à l'armée de se masser pendant la nuit sur les hauteurs de la route de Dax, mais en continuant d'occuper Orthez. 
[...] Le 28, avant le jour, la 1re division s'est rapprochée de 400 toises de la route de Dax, la 2e division est massée derrière... Vers 10 heures du matin le feu commence aux environs de Saint-Boës... La 3e division anglaise s'établit sur le même contrefort et de plain-pied avec la 1re... 4 pièces d'artillerie se mettent en batterie... l'infanterie se masse pour l'attaque... L'artillerie anglaise faisait beaucoup de mal... La 1re division remontait jusqu'à la route de Dax et reculait au delà. (GIROD DE L'AIN, Vie militaire du général Foy, p. 238.)
Cf. J.-B. DUMAS, Neuf Mois de campagne à la suite du maréchal Soult, p. 368, 411-412.
L'armée française perdit 539 tués dont 28 officiers; 3052 blessés dont 99 officiers ; 1339 prisonniers dont 23 officiers.

(13) : Les troupes étaient parties le 22 janvier de Peyrehorade pour Paris, en poste par voitures, pour faire triple étape par jour. Elles se composaient de la 7e division (général Leval 5 400 hommes) et de la 9e division (général Boyer, 5 600 hommes), soit les 10e, 16e et 17e légers, les 3e, 8e, 15e, 28e, 101e, 120e et 122e de ligne : la division de dragons de Treilhard partit aussi, soit les 4e, 5e, 12e, 14e, 16e, 17e, 21e, 26e et 27e dragons. L'effectif total était de 14 435 hommes.

Source : "Campagne du Capitaine Marcel du 69e de ligne en Espagne et en Portugal 1808-1814" (1913)