Bataille d'Orthez - 27 février 1814

 

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Témoignages sur la bataille d'Orthez

 

Vie militaire du général Foy

 

« Ma position étant celle dont on pouvait le mieux observer l'ennemi, le Maréchal y était resté. Bientôt arrivèrent le comte d'Erlon, Clausel, D'Armagnac, Harispe; le cas fut mis en une espèce de discussion. Clausel, qui s'est fait un système de toujours conseiller les partis vigoureux et même téméraires, dit que c'était l'occasion de livrer une bataille. Aucun autre général ne fut de cet avis; mais il entrait dans le système du Maréchal de s'opposer pied à pied à l'invasion de l'ennemi. Sans être décidé à donner ou recevoir bataille, il espérait que la présence de ses troupes réunies en imposerait aux Anglais. Il ordonna à l'armée de se masser pendant la nuit sur les hauteurs de la route de Dax, mais en continuant d'occuper Orthez. De tous les partis à prendre, c'était le plus mauvais.
Comment une armée, sûre d'être vaincue, pouvait s'exposer à recevoir une bataille ayant derrière elle de mauvaises communications et plus en arrière le défilé de Sault de Navailles, et le défilé de l'Adour ? Une armée inférieure peut quelques fois se commettre avec une armée supérieure, mais il faut qu'elle soit attaquante; il faut qu'elle profite d'une faute de l'ennemi pour lui dérober un mouvement et tomber sur une portion isolée de ses forces. Ici, par exemple, ce n'était pas l'occasion d'une tentative de cette nature, car il est certain que les troupes ennemies de la rive gauche du Gave de Pau auraient fait avant a nuit leur jonction avec celles arrivant par la route de Peyrehorade. On aurait pu, tout au plus, rapprocher l'armée de Dax en suivant la grande route; l'idée de cette manoeuvre m'est venue parce que j'ai vu le 26 au soir les troupes anglaises, qui venaient de Peyrehorade, appuyer leur gauche et cela m'a fait présumer qu'elles se porteraient pendant la nuit ou le lendemain de grand matin sur la route de Dax. Notre armée entière aurait pu y prendre deux divisions en flagrant délit et faire échouer le plan de l'ennemi. Toutefois, il valait mieux ne rien risquer, se retirer pendant la nuit, s'arrêter à Sault de Navailles derrière le Luy de Béarn, dont la rive droite offre de belles positions, et y attendre les évènements.
Pendant la nuit du 26 au 27, les troupes sont restées sur le terrain. Le 27, avant le jour, ma division a remonté le contrefort en se rapprochant de quatre cents toises de la route de Dax. Je n'ai laissé que des postes d'observations sur celle de Peyrehorade. La 2e division s'est massée derrière moi. Tout était tranquille. On voyait quelques troupes sur la montagne devant Orthez. J'avais devant moi la 3e division d'infanterie en vue. On apercevait derrière elle d'autres troupes et surtout de la cavalerie de part et d'autre de la route de Peyrehorade.
Vers dix heures du matin, le feu commence aux environs de Saint-Boës; bientôt après, les troupes qui étaient devant moi se forment. Leur artillerie et leur cavalerie s'avancent; l'infanterie gagne le contrefort d'Anglade en marchant par la grande route en masse et jetant des tirailleurs à sa droite. Voilà la 3e division anglaise établie sur le même contrefort et de plein-pied avec la mienne. La cavalerie passe derrière et file du côté d'Orthez. Quarte pièces d'artillerie se mettent en batterie; l'infanterie se masse pour l'attaque. A la première vue de ces préparatifs, le comte d'Erlon avait concentré ses deux divisions; mes avant-postes s'étaient retirés sans perte; la 2e division s'était portée sur la route de Dax; la mienne en était restée à deux cents toises, derrière un mamelon escarpé, formant un grand ressaut sur le contrefort, mais très accessible par les deux flancs. Ce mamelon était garni de plusieurs pièces de 4 qui faisaient un grand ravage dans les rangs de l'ennemi. L'artillerie anglaise nous faisait aussi du mal, quoique nous fussions un peu couverts par le mamelon. J'allais à pied sur le mamelon pour observer les mouvements des masses anglaises et régler les miens en conséquences; comme je revenais à ma première brigade, un boulet à la congrève éclate à six ou huit pieds au-dessus de ma tête; une balle sortie de ce boulet creux me frappe à l'extrémité inférieure de mon omoplate. Le coup me fait tourner et ne me renverse pas, peut-être parce que les officiers qui m'entouraient m'ont soutenu. Tout violent qu'ait été le coup, il m'a semblé que je n'avait pas la poitrine traversée. Au moment où j'ai été frappé, mon bras gauche a perdu tout mouvement; bientôt je suis tombé dans un état de faiblesse voisin de l'évanouissement. Cependant, j'ai pu aller à pied jusqu'à une maison sur la route de Dax, à l'endroit où on la quitte pour prendre le chemin de Sallespisse. Je n'ai pas voulu être pansé plus tôt parce que je prévoyais que les troupes allaient être culbutées. »

 

Sources : "Vie militaire du général Foy" (1900)