Bataille d'Orthez - 27 février 1814

 

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Rapport de l'Agent supérieur aux vivres


« Copie de la lettre de l’Agent supérieur des vivres pour l’Armée d’Espagne

A M. le Comte Maret directeur général des vivres

Au quartier général de Saint-Sever, le 27 février à minuit

Monsieur le Comte

Le 25 à midi les anglais parurent sur les hauteurs qui dominent Orthés au midi sur la rive gauche du gave. Le pont fut à peu près détruit et l'armée prit position sur les hauteurs au nord de la ville et sur la route de Peyrehorade. Pendant ce temps on se tiraillait d'un bord à l'autre de la rivière, les anglais jetterent des obus sur nos colonnes et nous firent peu de mal.

Vers le soir je reçus ordre de me rendre sur les hauteurs d'Orthez. J'y passai deux jours à attendre les évènements et de nouveaux ordres, et je revins passer la nuit en ville. Du produit des fabrications de Pau, de Peyrehorade et d’Orthez, l’armée reçut le 25 ou dans la nuit du 25 au 26 du pain jusqu’au 28. Quelques divisions même furent fournies jusqu’au 2 mars.

L’armée reçut aussi du sel, des légumes et surtout du riz pour plusieurs jours. L’eau de vie abondait également, malheureusement on fut forcé de distribuer toute la nuit. Des soldats ivres mirent du désordre dans les distributions. La garde un officier de gendarmerie ne purent empêcher un peu de pillage ; quelques barriques d'eau de vie furent enfoncées, quelques balles de riz et de légumes furent pillées. L'ordre ne fut rétablit qu'au jour. Le commissaire des guerres de la place avait fait de vains efforts pour faire cesser les distributions. Je n'avais pas été plus heureux.

Le 26 au matin il restait encore en magasin quelques farines des légumes et 25 à 30 pièces d'eau de vie, et comme je vous l’ai dit l'armée était servie jusqu'au 28 du courant et au 2 mars. Dès le matin je reçus ordre de suivre l'Intendant général qui se rendait sur les hauteurs d'Orthez au quartier général de M. Le maréchal pour y prendre ses ordres. Nous partîmes pour Saint-Sever où nous sommes arrivés hier au soir.

A mon arrivée ici, j'ai du m'occuper de faire fabriquer par tous les moyens possibles pour envoyer des secours à l'armée. En employant ici une vingtaine de petits fours bourgeois et avec le nombreux personnel en sous employés que l'armée avait mis à ma disposition, j'espère parvenir à faire cuire à St-Sever 20 et peut-être 25 milles rations par 24 heures. Mont-de-Marsan nous donnera dix milles rations au moins, Aire et Grenade a peu prés autant. Hagetmau que j’ai exploré en passant doit nous donner 6000 rations. Des farines ont été distribuées partout. Les fabrications s'organisent et me donneront non pas le complément du besoin, mais au déla de ce que nous espérions.

Il faut mettre une réquisition du bois, en faire couper d'autres forets, emprunter des pétrisseurs, fabriquer des ustensiles. Tous ces obstacles seront surmontés du moins je l'espère. Du biscuit rassemblé à Aire pourra être distribué sur ce point ou être transporté ici et suppléer au défaut de pain.

Il y en a 100 à 120,000 rations. L'Intendant général y a fait rassembler également du riz et des légumes qui étaient à Pau. Le riz pourra au besoin tenir lieu de pain. Il doit y en avoir 200 quintaux et plus. Enfin j’ai pris l’assentiment de monsieur Mathieu Favier pour faire arriver ici de Mont-de-Marsan des farines pour 3 ou 4 jours et du sel des légumes et de l’eau de vie pour 2 jours et pour toute l’armée. Mont-de-Marsan étant à portée il sera facile d’utiliser des approvisionnements nouveaux à moins d’évènement ultérieurs qu’on doit craindre.

Voilà où en est le service prévu de l’armée. Voici ce que nous apprenions cette nuit. La division Maransin qui était à Dax avait reçu ordre de se rendre à Orthez. Les ennemis sont arrivés devant et à l’Est de cette ville hier au soir, Peyrehorade ayant été abandonné, toute l’armée se retrouvait bien réunie à Orthez. Les anglais ont passé le gave ce matin à une lieue au dessous d’Orthez et ont tourné l’armée qui a été forcée de faire sa retraite par Sault de Navailles, où il parait que l’ennemi serait arrivé aussitôt que nous. On s’est battu vivement on n’a pas de détails bien circonstanciés. On sait seulement que le gauche à ployé et qu’il y a eu du désordre au passage d’un pont. Des blessés arrivent à chaque instant, s’il fallait les croire le mal serait grand. Ce qui paraît certain c’est que le quartier général de M. le maréchal s’est rendu à Hagetmau et qu’il vient de faire ici son logement. Par mesure de précaution on fait passer au-delà du pont de Saint-Sever toutes les voitures et tous les bagages. Ce pont de bois étant mauvais, on craint des accidents.

On attend des ordres à chaque instant.

On ignore si on suivra la route de Mont-de-Marsan ou celle de Nogaro sur Auch. D’un côté les coureurs ennemis ont dépassé Dax vers Tartas, de l’autre on le dit à Pau et sur la route d’Aire, la position de l’armée devient difficile mais elle a confiance en son chef.

Si on était forcé de suivre la route des landes, l’armée souffrirait beaucoup, elle trouverait plus de ressources sur la route d’Auch.

Je crains comme je vous l’avais fait pressentir pour les denrées entassées à Mont-de-Marsan, on n’aura pas même le temps de les détruire, du moins je le crains. Je viens de ramener l’attention de M. l’Intendant général sur les approvisionnements existants à Bordeaux. Il y existe 8 à 10 mille quintaux de grains ou farine qu’on peut mettre en sureté sur la rive droite de la Gironde. M. Mathieu Favier doit écrire en conséquence pour l’estafette. C’est vous dire qu’on craint de ne pouvoir tenir en deçà de la Garonne. A moins qu’il n’arrive de puissants secours. Il paraît certain que l’armée ennemie est beaucoup plus nombreuse que la notre. 

Signé Maurice »

 
Source :  Archive Nationale AF IV-1635 - Secrétarie d'Etat